SYNDIQUÉ CFTC
Syndiqué CFTC
« Nous étions 40 000 à Béthune » Le titre s'étale sur cinq colonnes à la « une » du premier numéro de Syndiqué CFTC. Sorti des presses de l'Imprimerie de la Nouvelle Société anonyme du Pas-de-Calais à Arras en juin 1939, le nouvel organe de l'Union départementale des syndicats chrétiens du Pas-de-Calais entend bien témoigner de la puissance du syndicalisme chrétien. Et ce rassemblement des travailleurs chrétien en plein bassin minier le 21 mai 1939 occupe une place importante dans ce nouveau mensuel. Photos à l'appui, le journal annonce : « 40 000 travailleurs chrétiens attestent la formidable croissance de la CFTC. »
témoin DE LA Vitalité DU SYNDICALISME Chrétien
La confédération compte 500 000 adhérents et 2 300 syndicats. Reconnue définitivement comme organisation représentative du mouvement ouvrier, elle entend bien qu'on lui accorde toute la place qui lui est due. « Les syndicats chrétiens du Pas-de-Calais sont bien résolus à s'intégrer de plus en plus dans la vie professionnelle du département » écrit l'éditorialiste du journal dans cette première livraison. Et de préciser les objectifs de ce nouveau titre : « Syndiqué viendra désormais, tous les mois, rappeler à chacun d'entre nous sa fierté d'être syndiqué, il y a tant de travailleurs, hélas ! que leur égoïsme empêche de comprendre ce devoir de solidarité fraternelle.
Ce titre est bien fait aussi pour redire à tous nos obligations envers notre syndicat : fidélité aux réunions, paiement des cotisations, contact avec les militants, propagande continue, etc.
Syndiqué est une affirmation du droit qu'ont les chrétiens, comme on les appelle couramment, de se grouper entre eux, sur le terrain professionnel, pour défendre aussi bien que les autres, sinon mieux, leurs intérêts légitimes et ceux de leurs frères de travail.
Syndiqué vient à son heure après juin 1936, après novembre 1938, après le 21 mai 1939, pour marquer très clairement que le temps de la carte unique est bien révolu. Fini, bien fini le monopole syndical. »
Installé au cœur du Bassin minier, 19-21, rue Diderot à Lens, ce mensuel de grand format, 44 x 60 cm, est rédigé par une équipe de syndicalistes où l'on retrouve Eugène Dupuis, président de l'Union départementale, Joseph Sauty, A. Bridault, Louis Beugniez, Jean Haniquaut, Louis Delaby. En janvier 1922, l'Union départementale avait déjà édité un premier journal La Vie syndicale qui n'avait pas vécu plus d'un an. Depuis les « céfétécistes » du Pas-de-Calais recevaient Le Nord social publié par l'Union régionale. Le Pas-de-Calais l'abandonnait car, écrivait, sans plus de précisions, Eugène Dupuis dans son premier éditorial, « nous avons sur le problème de la presse, un point de vue différent de celui de nos amis du Nord ; cela tient pour une bonne part à la différence de structure industrielle et économique de nos deux départements »
Ce mensuel de quatre pages présentées sur sept colonnes est vendu 50 centimes au numéro ou 10 F par abonnement. Son titre est encadré de deux vignettes, l'une représentant le département du Pas-de-Calais dans une couronne, l'autre un travailleur sur fond d'arc-en-ciel, tenant d'un côté une main et de l'autre une chaîne avec les mots Fraternité et Force. La manifestation de Béthune occupe l'essentiel des colonnes de ce premier numéro, avec notamment, en page 2, le « film » cette journée du 21 mai illustré de photos, Syndiqué CFTC dresse également un panorama de l'activité syndicale localité par localité.
TENIR malgré LA GUERRE
Dès octobre, il est déjà victime des événements. Le numéro 4 est une « édition de Guerre » avec un seul mot d'ordre « Tenir » selon l'éditorial de Dupuis. Le titre du journal a perdu ses vignettes, le format a été réduit, 33 x 50 cm avec présentation sur quatre colonnes, les pages 2 et 3 sont blanches sans qu'on en connaisse la raison. Seule illustration, le dessin d'un poilu pourtant fusil et baïonnette.
Le numéro suivant se veut normal. Syndiqué CFTC poursuit sa mission d'informateur sur le monde du travail, de défenseur des ouvriers. « L'équipe du Pas-de-Calais [est] au travail » écrit Louis Delaby. Et le journal d'évoquer les « importantes modifications au nouveau régime du travail », le « régime spécial des mines », etc., et d'affirmer que « l'action continue » tout en restant fidèle à la doctrine chrétienne.
Le numéro de décembre est l'occasion de commémorer les vingt ans de la confédération, dont le premier congrès national a eu lieu le 1er novembre 1919. Cependant cet anniversaire n'empêche pas de rappeler que la mobilisation reste de mise. Dans son éditorial, Joseph Sauty affirme : « Nous devons gagner les matches », à savoir les libertés aux frontières et la paix sociale à l'intérieur.
À l'aube de sa deuxième année, Syndiqué CFTC doit encore réduire son format de quelques centimes (30 x 45 cm). Chaque mois, il s'emploie à maintenir le moral de la population, publiant notamment, à la droite de son titre, des propos mobilisateurs d'une personnalité : Édouard Daladier, « En face du monde de maîtres et d'esclaves que voudraient forger les insensés qui règnent à Berlin nous avons à sauver la liberté et la dignité humaines », Mgr Dutoit, « Nous défendrons de concert, avec nos alliés, le droit des faibles, la dignité de la personne humaine, la primauté de la loi morale, le régime de confiance et de la collaboration entre les peuples »,…
Le dernier numéro est daté de mai 1940. Il annonce la mort de l'abbé Hébert, capitaine d'infanterie, mais aussi directeur diocésain des œuvres, tombé le 21 avril, quelques jours avant l'invasion de la région.