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Revue artésienne (La)

La Revue artésienne. Journal de l’arrondissement de Béthune, commercial et littéraire, suivi d’une feuille d’annonces

Devient : La Revue artésienne. Journal hebdomadaire de l’arrondissement de Béthune.- Puis : La Revue artésienne. Journal de Béthune et de son arrondissement. Organe absolument indépendant (fondé en 1820).- Puis : La Revue artésienne. Grand hebdomadaire départemental paraissant le jeudi. Fondé en 1820.- Puis : Journal d’Arras et de l’arrondissement paraissant le jeudi.

« La Revue artésienne paraissait à quatre pages : elle aura désormais six et huit pages. Son siège était à Béthune : elle aura désormais son siège à Arras, au chef-lieu de département, auprès des grandes administrations publiques.
Avec ses articles d'actualité et d'information, ses études soigneusement documentées sur les grandes questions à l'ordre du jour, et en particulier, avec sa belle page de la famille qui la fera attendre impatiemment chaque semaine, La Revue artésienne (Cf. Catalogue des périodiques des arrondissements de Béthune et de Lens) aura vite reconquis, nous l'espérons, la faveur du public et repris sa place, en bon rang, parmi les grands journaux quotidiens et hebdomadaires, locaux et régionaux. » Après huit d'absence, le 8 mars 1922 reparaît à Arras La Revue artésienne dont les origines sont pourtant béthunoises. D'ailleurs si, en 1922, le siège social, provisoire, de la publication est installé 56, rue Saint-Aubert à Arras, son imprimerie est toujours à Béthune, boulevard Victor Hugo. Si son administrateur-gérant est Gaston Franquet, son propriétaire est Jules Logier, imprimeur et directeur du Petit Béthunois dont elle emprunte une partie du contenu.

DES RUBRIQUES VARIABLES
Présentée sur six colonnes, La Revue artésienne qui revendique la qualité d'« hebdomadaire départemental » annonce, à côté d'une ancienneté respectable, 102 ans (1), un contenu éclectique : « Agriculture, Industrie, Commerce, Vie économique » mais aussi « Informations, Littérature, Mondanités, Vie sportive ». Vendue 15 centimes le numéro ou 6 F par abonnement pour le Pas-de-Calais et les départements limitrophes, elle paraît chaque jeudi. Quant au prix de la publicité, il est fixé pour les annonces, en sixième page, à 50 centimes la ligne ; pour les réclames, en cinquième page, à 75 centimes ; et pour la chronique locale à 1,75 F.
La Revue artésienne a-t-elle trouvé son lectorat ? À l'occasion de son lancement, un service gratuit est assuré pendant quelques semaines à toutes les notabilités de l'arrondissement, des « personnes supposées susceptibles de s'intéresser à nos efforts ». Derrière une première page relativement stable ouverte sur les informations arrageoises, le journal donne l'impression de se chercher avec des rubriques fluctuantes. En septembre 1923, de nouvelles rubriques « Commerce et industrie », « La vie agricole » sont ouvertes, mais la pagination évoluant à chaque numéro, elles ne paraissent pas régulièrement. La page de la famille dont sa direction semblait si fière subit les mêmes vicissitudes. En novembre 1923, la nouvelle « page industrielle et commerciale » ne connaît qu'une parution. En décembre 1923, le journal propose une « Revue des sports », etc. En 1926, la rubrique féminine a les honneurs de la « une » de manière fugace. Quant à l'information locale et régionale, elle se résume parfois à une série de communiqués alignés les uns derrière les autres.
En mars 1923, à l'occasion d'une élection sénatoriale partielle, La Revue artésienne soutient la candidature d'Amédée Petit (centre). Élu, le conseiller général est invalidé pour vice de forme. Lors des élections législatives de mai 1924, la liste de la fédération démocratique et sociale, sur laquelle figure le journaliste Fernand Lefranc (Cf. Catalogue des arrondissements de Béthune et de Lens), et celle de concentration républicaine et sociale sont présentées aux électeurs. Par contre, le périodique fait l'impasse sur la liste socialiste et celle du Bloc ouvriers-paysans (communiste).
D'avril 1922 à avril 1925, les articles politiques sont rédigés par Mario Le Cocq, un journaliste qui a commencé sa carrière au Voltaire, et collabore à plusieurs journaux parisiens. Martial Perrier, collaborateur de La Revue artésienne depuis son renouveau, prend sa succession. S'intéressant à de nombreux domaines, il est également l'auteur d'un feuilleton Jean-le-Repenti. Marcel France, Louis Forest, Kate,… participent régulièrement à la page de la famille.
Fernand Lefranc, qui créa Le Journal de Saint-Pol, signe de nombreux articles de politiques locales. L. Malpeaux, de L'Agriculture de la Région du Nord, apporte sa collaboration tout comme plusieurs érudits locaux : Émile Poiteau, Abel Barbier… Le journal publie également un texte de Georges Vallée, ancien député de Saint-Pol, à l'occasion de sa mort le 18 décembre 1926.
Quant aux contes et aux nouvelles publiés par l'hebdomadaire, ils ont pour auteur Anatole France, Henri Jousset, Henry de Forge, Gabriel Timmory, mais aussi les Arrageois Albert-Jean, Paul Ardenne…
L'information est parfois complétée par une illustration. Le 19 juin 1924, l'annonce de l'élection du nouveau président de la République est illustrée d'une photo de Gaston Doumergue. Le jeudi 3 août 1922, la photo de la reine du carnaval d'été de Lens, Lucie Boulanger, et de ses demoiselles d'honneur fait également la une du périodique comme elle le fait de celle de tous les journaux appartenant à Logier. Plus tard, paraissent des photos du gardien de but du RC Arras, Tassin, de la future gare de Lens, des ingénieurs chargés des travaux, et de Basly… Quant à la rubrique mode, elle fait souvent appel au dessin pour présenter des modèles de vêtements.
La publicité est répartie sur l'ensemble du journal. En première page, les réclames pour la Chicorée boulangère et le chocolat Cardon alternent avec celle pour les leçons de chant et de diction de Mlle Logier.

UN HEBDOMADAIRE ARRAGEOIS ?
Arrageoise ? Béthunoise ? Cette nouvelle Revue artésienne semble également avoir toujours eu des difficultés à se situer. Le jeudi 30 octobre 1924, La Revue artésienne paraît avec une nouvelle têtière représentant une image de moisson et de labour. Elle affiche clairement son adresse béthunoise : « Bureaux de l'imprimerie et l'administration du journal, 81-83, boulevard Victor Hugo Béthune ». Un mois plus tard, elle revient partiellement sur cette annonce. Sous le titre, a été ajoutée la mention « Siège local provisoire : Arras, 56, rue Saint-Aubert » et en caractères plus petits : « Administration centrale : 81-83, boulevard Victor-Hugo Béthune ». Le jeudi 4 février 1926, La Revue artésienne revendique pleinement son appartenance arrageoise. Sa date de fondation disparaît et son sous-titre devient « Journal d'Arras et de l'arrondissement paraissant le jeudi ».
En juillet 1926, alors que le prix des journaux augmente à nouveau, passant à 25 centimes, la direction préfère temporiser jusqu'en septembre. Tous ces efforts ne suffisent pas à sauver La Revue artésienne. Dans le numéro du 20 janvier 1927, la direction annonce sa disparition : « Depuis 1919 (sic), La Revue artésienne a tenté un gros effort pour mettre à la disposition de ses amis et lecteurs un organe d'information sérieux à nuance républicaine. Aucun effort ne lui a coûté.
Mais le renchérissement constant des matières premières, de la main-d'œuvre et des transports a assigné à son effort une limite que sa volonté aurait voulu méconnaître. Et à dater du 1er février prochain, La Revue artésienne cesse sa parution. Ce n'est pas sans regret qu'elle dit adieu à ses amis ; ce n'est pas non plus sans l'espoir que des jours meilleurs lui permettront de reparaître.
Dans tous les cas, afin que ses abonnés récents ne soient pas lésés, il leur sera fait un service régulier du Journal de Lens (2) auquel sera ajoutée une rubrique Arras et cela jusqu'à expiration de leur abonnement en cours. » Le dernier numéro paraît, avec le même message, le 27 janvier 1927.

(1) À l'aube de cette nouvelle série, La Revue artésienne annonce être dans sa 102e année. Au-dessus du titre est également noté « Fondée en 1820 ». En réalité, cette publication prend en 1832 la suite des Petites Affiches de la ville de Béthune créées le 9 février 1824.
(2) Le Journal de Béthune est également édité par l'imprimerie Logier à Béthune.








« Fondée en 1820 ». La Revue artésienne n'a jamais caché son âge depuis sa création. Cependant le 7 octobre 1905, son nouveau propriétaire décide d'affirmer un peu plus son antériorité sur ses concurrents béthunois. Des exemplaires des origines, il n'en reste plus. Le plus ancien actuellement conservé est aux Archives départementales du Pas-de-Calais. Il date du 4 avril 1838. Le périodique vient d'entamer sa dix-septième année, en fait il a pris la succession des Petites Affiches de la ville de Béthune en 1832. Il est imprimé par Mme Veuve De Savary (1). Installée 104, Grand'Place à Béthune, elle revendique le titre d'imprimeur de la mairie. La Revue artésienne est alors une feuille de quatre pages, de format 26 x 37 cm, présentées sur trois colonnes. Le rédacteur gérant en est son fils A. De Savary. Elle paraît le mercredi soir et est vendue au prix de 9 F l'abonnement annuel, 5 F pour six mois et 3 F pour trois mois. « Journal de l'arrondissement de Béthune, commercial et littéraire, suivi d'une feuille d'annonces «, elle est divisée en plusieurs rubriques allant au-delà des domaines annoncés : Nouvelles, tribunal correctionnel de Béthune, Variétés, État civil, Prix des grains du marché de Béthune… DE DESAVARY À LOGIER En 1905, elle a déjà connu plusieurs propriétaires. À partir du 10 août 1854, elle appartient à Casimir Delpierre qui y signait déjà des articles depuis quelques mois. En 1851, la loi oblige les rédacteurs à signer leurs articles. Cette obligation permet de savoir que De Savary était secondé par deux rédacteurs Tondelier et Dachez (2). Casimir Delpierre dirige l'hebdomadaire jusqu'en septembre 1883 où son fils Henri Delpierre lui succède. Depuis plusieurs années, celui-ci fait partie de la rédaction à laquelle collaborent d'autres membres, probablement bénévoles, dont on ne connaît que les initiales A.L., A.C. Ed L., voire le prénom pour le critique théâtral. Le commentaire politique, l'information locale… Henri Delpierre aborde tous les genres. Au hasard des numéros et des chroniques apparaissent les signatures de Jérôme Patureau, de Pierre Patient, du commandant Schambion, d'A de la Lawe. Delpierre-fils cède son journal à Delcroix le 7 juillet 1901, les noms des chroniqueurs, souvent communs à différentes publications, se multiplient. Les papiers de têtes sont alors signés Jean Vaunage, Maurice Vernes, J. Curie, Jean-Bernard, Spectator, Sigismond Lacroix, G. de Morsier, Jean-Bernard, J. Arboux, Marcel France… Delcroix ne fait que passer à La Revue artésienne. Le 18 mai 1902, « par suite de circonstances imprévues, il abandonne la propriété du journal à Charles Richard », imprimeur, membre du syndicat des commerçants. Après avoir été entre les mains des mêmes familles pendant plusieurs décennies, la publication vit une période d'instabilité. Le 7 octobre 1905, c'est Marmet qui se présente aux lecteurs comme le nouveau directeur, exhibant ses états de service dans la presse : « 18 années passées dans l'imprimerie et le journalisme en qualité de typographe, de reporter, de rédacteur et d'administrateur de journaux ». Autant de titres qui ne sont pas une garantie de sécurité. Le 12 juin 1909, devant Me Bailliencourt, notaire à Béthune, c'est l'imprimerie Jules Logier, déjà propriétaire du Petit Béthunois, qui devient acquéreur de La Revue artésienne. Elle le reste jusqu'à la disparition de l'hebdomadaire en 1927. Au fil de ces changements de propriétaires, La Revue artésienne connaît bien des fluctuations : déménagements, formats variables, voire ligne éditoriale fluctuante... En 1905, lors de l'arrivée de Marmet à la direction, un lecteur divise en trois phases l'évolution du plus ancien journal béthunois : « calme et bonne fille aux jours du brave homme qu'était le père Delpierre, [elle] est devenue plus belliqueuse […] sous son fils Henri. Avec votre prédécesseur immédiat n'aurait-elle pas pâli un peu ? » Le lecteur qui remonte cinquante ans en arrière ignore la période « De Savary ». Classé durant la Seconde République comme « non cautionné », le journal ignore la politique. Associant Le Journal de Béthune et La Revue artésienne, le 15 juillet 1851, le sous-préfet écrit au préfet qu'ils « ne traitent point de matières politiques et ne contiennent jamais d'articles susceptibles d'être critiqués au point de vue de la morale et des mœurs. » Journal agricole, commercial et littéraire, La Revue artésienne a été désignée pour l'insertion des annonces judiciaires dès 1843. Son format évolue à plusieurs reprises : 28 x 43,5 cm en 1848 ; 28,5 x 45 en 1850. En 1854, lorsque Delpierre en devient propriétaire, il change de sous-titre pour affirmer qu'aucun domaine, sauf les matières politiques et économiques, ne lui est étranger : « Journal de Béthune et de son arrondissement. Intérêts religieux, ruraux, commerciaux, administratifs. Nouvelles officielles, sciences, beaux-arts, littérature, mercuriale des marchés, annonces judiciaires, administratives, commerciales, avis divers, réclames, etc. » Même dans le choix de ses feuilletons, le directeur fait preuve d'une grande prudente : « Le comité de la rédaction […] s'attachera surtout à ne reproduire que des feuilletons irréprochables sous le rapport des mœurs. » Sous l'Empire, La Revue artésienne relate la distribution des prix chez les frères de la doctrine chrétienne, donne quelques nouvelles locales, le compte rendu de l'audience du tribunal de Béthune, publie une série d'articles sur le dogme de l'Immaculée conception,etc. Après la guerre de 1870, elle s'intéresse aux séances du conseil municipal, elle multiplie les comptes rendus de funérailles, les chroniques musicale et théâtrale. Le gouvernement décide d'implanter deux écoles normales par département, La Revue artésienne mène campagne en faveur de Béthune dont « les offres, écrit-elle en avril 1881, sont supérieures à celles des cités rivales et ne sont sujettes à aucune critique. » Seule la candidature d'Arras tempère l'optimisme du journal, mais, après tout, la ville possède déjà un collège de « plein exercice ». À partir du 28 septembre 1883, La Revue artésienne prend le sous-titre de « Journal de Béthune et de son arrondissement ». Henri Delpierre s'aventure de temps à autre dans le commentaire politique. Pourtant en 1885, l'hebdomadaire n'apparaît toujours pas dans la liste des journaux politiques de l'arrondissement dressée par le sous-préfet qui, abusivement le classe parmi « les organes de publicité et d'annonces ». Depuis février, il publie un bulletin qui, un an plus tard, prend le titre de bulletin politique, puis un « courrier de Paris ». Henri Delpierre ne revendique aucune sensibilité politique précise. Lors de ses vœux à ses lecteurs le 31 décembre 1886, il avertit : « La Revue artésienne représente l'opinion modérée mise au service du progrès, le suivant, l'adoptant dans la mesure du possible et en faisant profiter le public du mieux que le lui permettent son format restreint, sa périodicité hebdomadaire. » Pourtant, en octobre 1886, il s'est montré bien critique à l'égard de la loi Goblet laïcisant le personnel enseignant des écoles primaires. Il la juge contraire « au principe d'autonomie des communes », « politique ». Elle ferait des instituteurs nommés par les préfets des agents électoraux. C’est, ajoute-t-il une « très mauvaise opération financière ». En novembre 1886, il ne semble pas insensible aux thèses de Raoul-Duval qui tente de créer un mouvement de la Droite républicaine. JAMAIS CONTENT ! La Revue artésienne n'éprouve en tout cas aucune sympathie pour le général Boulanger « jadis convaincu de mensonge, […] courtisan de tous les puissants qui se sont succédé ». Aussi approuve-t-elle la mise en garde de Jules Ferry, tout en regrettant qu'elle ne vienne pas d'un homme plus écouté : « Il vient de prononcer un discours qui, sur beaucoup de points, est excellent, mais il eût été préférable qu'il laissât à quelque parlementaire moins impopulaire le soin de le prononcer. S'il ne tient pas à faire le jeu du général Boulanger, il fera bien de garder le silence. » Pourtant, elle conclut : « Pour nous, le discours de M. Ferry ne peut être lu qu'avec profit. » En février 1889, après l'élection du général à Paris, elle fait preuve d'une clairvoyance rare dans la presse de l’époque : « Les républicains qui ont confiance en lui, qui espèrent le voir inaugurer une république nouvelle sont vraisemblablement quelque peu naïfs. Ils ne se montrent guère républicains en livrant les destinées de la république à un seul homme que son passé ne recommande pas et qui aura à satisfaire les exigences d'un entourage suspect. » Les résultats des élections législatives de septembre-octobre 1889 sont pour elle un soulagement. « Le triomphe de la république (et non des républicains) est indéniable » écrit-elle, même si cette appréciation ne vaut pas soutien au régime. Ce que veut le pays « c'est une république libérale, tolérante, ouverte à toutes les bonnes volontés. » Et de se dire partisan de l'ouverture : « Un grand nombre de conservateurs semblent disposés à se rallier à la République : il faut leur faciliter cette conversion en rendant la République aimable… il convient seulement que la république ne soit pas gouvernée dans l'intérêt, d'ailleurs mal compris, d'un parti ou d'un groupe. » Localement, le périodique n'a pas réussi à faire accepter l'ouverture qu'il prône nationalement. En mai 1888, sa proposition de faire entrer quatre membres de l'opposition au conseil du conseil municipal est refusée par le maire Dupuich qui quelques jours plus tard cède la place au docteur Haynaut. Journal radical, Le Petit Béthunois est pour Delpierre le représentant de cette république sectaire. Il se plaît à pasticher les lettres parlementaires « parfaitement absurdes et ridicules de fond et de forme » du « très bouillant Haynaut » (Cf. notice Le Petit Béthunois) en proposant la « lettre parlementaire pour les électeurs de Lobiau par Anathase Ringot, candidat récalcitrant ». Frondeur, il n'hésite à s'en prendre, lors de la grève de février 1893, au syndicat des mineurs « qui se livre à des excitations que nous considérons comme injustifiées. » Le nom de Delpierre est hué, Le Réveil du Nord le prend à partie, le président de la Ligue radicale-socialiste menace de lui envoyer ses témoins. La Revue artésienne n'est pas indifférente au sort des ouvriers. Elle dénonce les égoïsmes qui font le lit du collectivisme : « On commence aujourd'hui à s'inquiéter des progrès du socialisme. Il n'y a qu'un bon moyen de le combattre, c'est de faire mieux que lui. Il y a évidemment un moyen terme à trouver entre l'indifférence des économistes qui se refusent à intervenir, sous prétexte d'évolution nécessaire et la réglementation à outrance des socialistes qui parlent d'une révolution indispensable. Il n'y a que les aveugles volontaires qui ne voient pas toutes les inégalités choquantes de l'état social actuel. Il y a évidemment des remèdes à apporter, mais si chacun des favorisés laissent aller les choses sous prétexte que cela durera toujours bien autant que lui-même, la fameuse évolution nous conduira tout simplement à une révolution qui gronde déjà. Socialiste tout le monde doit l'être, en ce sens que personne ne doit se désintéresser du problème social, que chacun doit travailler à apporter les améliorations nécessaires. C'est seulement en se pénétrant de cette pensée qu'on pourra éviter le socialisme des collectivistes de toutes espèces, gouvernementaux ou révolutionnaires, qu'on pourra faire de la liberté une réalité. » Dans de telles conditions où classer ce périodique ? En 1896, le sous-préfet semble un peu dépourvu. Il le catalogue comme : « républicain dont la note distinctive est de n'être jamais content ». Cela ne l'empêche pas d'avoir une certaine audience puisque son tirage est de 2 000 exemplaires. Le 8 octobre 1897, le sous-préfet affirme qu'il « n'a jamais eu à proprement parler de ligne politique, c'est une feuille aigrie et bourdonnante. » Il ajoute une remarque assez surprenante : « Par haine des hommes qui représentent le mieux le parti républicain dans l'arrondissement, elle s'est mise à la remorque des socialistes […] et de la petite section du parti ouvrier récemment fondée à Béthune dont elle se fait volontiers l'organe. » En 1902, Charles Richard signe son premier éditorial en se félicitant de l'arrivée à la Chambre du progressiste Henri Beharelle, élu dans la quatrième circonscription de Béthune. Lors des élections municipales de 1904, La Revue artésienne déplore d'abord l'absence d'une liste progressiste, puis appelle « à se ranger sous les plis du drapeau de l'Action libérale ». Charles Richard figure d'ailleurs sur la liste d'Union républicaine libérale et populaire en compagnie de Charles Bernard, le directeur du Patriote (Cf. notice). Lors des cantonales de juillet, elle soutient ce dernier. Dans une édition spéciale, elle affirme combattre aussi bien le candidat opportuniste que le candidat socialiste : « L'explication est très simple, les socialistes comme les opportunistes ne se souviennent qu'il y a des travailleurs qu'en période électorale, un fois au pouvoir, ils apprécient que l'assiette au beurre est chose excellente et ils la gardent. » L'Administration la range alors parmi les journaux réactionnaires. « UN RECUEIL IMPARTIAL » La Revue artésienne a-t-elle mené son ultime combat politique ? Lors de l'arrivée de Marmet, elle devient Journal de Béthune et de son arrondissement. Organe absolument indépendant. Le nouveau directeur revient sur ce principe dans la présentation de son programme : « Nous croyons superflu […] de prendre une étiquette politique qui ôterait précisément à ce journal le caractère d'indépendance et de liberté que nous voulons lui attribuer et qui s'accorde essentiellement avec son titre : Revue. […] Elle fera mieux encore, elle sera le journal de toutes les bonnes volontés dont l'énergie ne se manifeste pas faute d'un organe suffisamment hospitalier. Chaque semaine, elle acceptera sous la rubrique Tribune des idées, les articles que les lecteurs croiront devoir écrire sur les faits administratifs, politiques ou autre à l'ordre du jour, en ne demandant à nos correspondants que d'observer scrupuleusement cette belle vertu française : la courtoisie… » En 1909, le périodique tombe entre les mains de son concurrent. Logier, son nouveau propriétaire, affirme la même volonté : « Une "revue" appartient à tous et à personne. Pour être conforme et fidèle à son titre, une telle publication ne doit constituer qu'un recueil impartial des actualités du moment, un recueil où tout doit trouver sa place, où les sentiments intimes des rédacteurs doivent eux-mêmes s'effacer pour laisser le public seul juge des événements et libre de se faire l'opinion qui lui conviendra… Ce titre est à lui seul un programme et une garantie : nous nous attacherons à ce qu'il ne soit pas rabaissé par des luttes mesquines, et nous nous efforcerons d'en faire le vieil ami et le confident de tous ceux qui aiment l'Artois. » Laissant entendre que son prédécesseur n'a guère tenu le cap, il insiste sur sa transformation : « non seulement La Revue artésienne est rendue à son véritable but, mais elle change de costume. Elle fait complètement peau neuve. » Fabriquée dans les locaux du Petit Béthunois, 81, boulevard Hugo, elle paraît en grand format, 45 x 64 cm, présentée sur six colonnes. Elle est datée du mardi avec une mise en vente à Béthune le lundi à midi. Outre sa chronique locale et départementale, sa rubrique « Mines et mineurs », sa rubrique féminine, elle contient de nombreux articles, qu'on qualifierait aujourd'hui de « magazine », sur l'automobile, l'aviation, les expéditions polaires, la boxe avec les exploits de Georges Carpentier. Elle publie des contes et nouvelles. Les signatures sont celles que l'on retrouve dans de nombreux hebdomadaires locaux : Gabrielle Cavellier, C. des Cordeliers, René Sabatier, Marcel France, Antonin Baratier, Lucien-Victor Meunier, Eugène Dreveton, Loir Erasme, René Grouge, Henri Brumont… Quelques journalistes ou personnalités régionales y collaborent également : Pervenche, pseudonyme de Mme Reboux, du Journal de Roubaix, Georges Vallée, ancien député du Pas-de-Calais, mais aussi Fernand Lefranc, rédacteur en chef du Petit Béthunois. RADICAL ! Sa parution est interrompue par la guerre. Elle ne reprend que le 9 mars 1922 : « La Revue artésienne paraissait à quatre pages, elle aura désormais six et huit pages. Son siège était à Béthune, elle aura désormais son siège à Arras, au chef-lieu de département, à la source même des informations départementales, auprès des grandes administrations publiques. » Ironie du sort ! le 1er juin 1922, elle réapparaît à l'état des journaux politiques de l'arrondissement de Béthune comme hebdomadaire radical. « Surtout d'information » nuance cependant le sous-préfet. L'ambition de son propriétaire est en effet d'en faire « un grand hebdomadaire départemental ». Elle est surtout l'édition arrageoise du Petit Béthunois (Cf. La Presse arrageoise 1788-1940, notice La Revue artésienne). L'expérience fait long feu, le périodique disparaît définitivement le 27 janvier 1927. (1) De Savary (père) a lancé les Petites Affiches de la ville de Béthune, non pas en 1820, mais en 1824. Ce qui pourrait laisser supposer que ce périodique a eu un prédécesseur. C’est également dans son imprimerie que sera également l’imprimeur du Furet. (2) Dachez est-il l’ancien secrétaire de rédaction du Progrès du Pas-de-Calais qui a préféré quitter le journal de Frédéric Degeorge en juillet 1852 ? Nous n’avons pas su le déterminer