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RÉVEIL SYNDICAL (LE)

Le Réveil syndical. Organe des travailleurs

Le dimanche 27 avril 1903, paraît à Lens le premier numéro du Réveil syndical. Organe des travailleurs. À sa tête, l'anarchiste Benoît Broutchoux. Quelque huit mois plus tard, croulant sous les poursuites, l’hebdomadaire disparaît. Un autre prend le relais. Le Réveil syndical est en effet le premier des quatre périodiques dont le syndicaliste est l'animateur pendant une dizaine d'années jusqu'à la veille de la Première Guerre.

CONTRE LE Vieux Syndicat
Après la grève de 1902, les anarchistes créent un syndicat concurrent à l'organisation de Basly, la fédération syndicale, qui se dote d'un journal, Le Réveil syndical. Dans le premier numéro qui paraît le 27 avril, Georges Dumoulin en explique la raison : « nous examinâmes quelques camarades et moi, la possibilité d'adhérer en masse au Vieux Syndicat, […], des personnalités gênantes […] se trouvaient à la tête de l'organisation.
D'après l'état d'esprit qui anime le Vieux Syndicat, d'après son système organique qui est antisyndicaliste, d'après le peu de logique qui existe chez certains de ses adhérents, le remède que nous aurions essayé d'appliquer, l'adhésion en masse, aurait aggravé le mal au lieu de le diminuer.
Dans le sein de l'organisation, à chaque modification ou motion que nous aurions présentée, on nous aurait traités de déboiseurs, de démolisseurs, de divisionnistes ; le syndicalisme, au lieu d'y gagner, se serait enlisé dans des caquetages futiles et oiseux. Alors venaient les rappels à l'ordre, les blâmes, les amendes, les demandes d'exclusion temporaire ou de radiation définitive et, conclusion affligeante, le patronat, aidé des cercles catholiques, des porions, des mouchards et des inconscients, aurait fondé un exécrable syndicat jaune sur nos discordes. »
Dans l’édition du 2 octobre 1910 de L’Action syndicale (Cf. notice), Broutchoux revient rapidement sur la création du Réveil syndical. Il s’agissait pour lui de soustraire le syndicat de l’influence des députés qui en sont également les dirigeants « Quelques mineurs révolutionnaires décidèrent de lancer un petit hebdomadaire afin de répondre, au moins dans le bassin minier, aux saletés du Réveil du Nord et de dépêtrer le syndicalisme du bourbier parlementaire. »


PROPAGANDE SYNDICALE ET RÉVOLUTIONNAIRE
De format 32 x 49 cm, Le Réveil syndical est présenté sur quatre colonnes. Il est vendu au prix de cinq centimes le numéro soit 1,50 F pour un abonnement de six mois, ou 3 F pour un an. Sous son titre, l'épigraphe « Peuple guéris-toi des individus / Fais tes affaires toi-même. »
Georges Dumoulin en est le gérant, Manuel Delay, l'administrateur, et Benoît Broutchoux le secrétaire de rédaction. Originaire de Montceaux-les-Mines, ce dernier a été interdit, après une condamnation, dans tous les bassins miniers sauf celui du Pas-de-Calais. Il y exerce différents métiers, puis il réussit à se faire admettre à la fosse 8 de Lens où il devient délégué du syndicat. Très vite, il s'oppose à Basly, président l’organisation.
La rédaction (1) avertit : l'hebdomadaire « n'est rédigé et administré que par des ouvriers syndiqués. Tous les articles sont faits par des exploités. » Et peu importe que le style ne soit pas littéraire, l'essentiel n'est pas là. « Nous nous moquons des règles grammaticales pourvu que nous fassions de la propagande syndicale et révolutionnaire. » poursuit l'équipe rédactionnelle. La commission de rédaction, outre Broutchoux et Dumoulin, comprend D. Bachy, vice-président de la fédération syndicale des mineurs du Pas-de-Calais, D. Bataille, J.-B. Colbaërt, H. Damiani, M. Deloy, H. Dussart, Evrard-Bernard, G. Falempin, O. Goudemetz, secrétaire, C. Lalyre, L. Prévost. Si nombre de collaborateurs signent de leurs vrais noms, d'autres préfèrent un pseudonyme imagé : Alaveine, Populo, Poingtendu, Sans dieu, Ni maître, etc.
L'objectif du journal est de relancer la syndicalisation : « Il tentera de réveiller l'idée syndicale chez les travailleurs qui, à force d'être abusés, se sont désintéressés de leur émancipation. » Fidèle au principe de la CGT, créée en 1895, Le Réveil voit dans le syndicalisme le moyen de transformer la société par l'affranchissement des travailleurs, mais refuse tout rapport avec les politiques.
Cet hebdomadaire, reflet de la pensée anarchiste, appelle au combat, sans trêve ni merci, contre le patronat qui s'enrichit scandaleusement au détriment de la classe qui produit tout et qui n'a rien. À la « guerre acharnée au militarisme qui donne une capote, un képi et un fusil à un ouvrier en lui disant : Feu ! sur tes frères grévistes ! » À la lutte impitoyable « contre toutes les religions qui abrutissent l'ouvrier et lui font croire qu'il est voué, pendant toute sa vie, au rôle de paria et de résigné. » Il se prononce pour l'émancipation de la femme, en prônant notamment une politique malthusienne.

PAS DE PITIÉ POUR LES FUMISTES
Le Réveil syndical se veut « sans pitié pour les fumistes […] qui abusent de leur popularité, trompent la classe ouvrière et se créent une fortune personnelle sur l'infortune générale. » Émile Basly, le czar lensois, est bien sûr le premier d'entre eux. N'hésitant pas à recourir aux méthodes de la « grande presse », titres accrocheurs sur plusieurs colonnes, l'hebdomadaire harcèle régulièrement le président du Vieux Syndicat. L’organisation devient dans ses colonnes le « syndicat mimile ». En juin 1903, il l’accuse « de mensonge et de vol », sur la foi de ses effectifs annoncés (35 000), il démontre que les réserves financières du syndicat devraient atteindre 2 300 000 F et non 185 000 F.
Tous les lieux sont bons pour affirmer l'hostilité à Basly. Broutchoux et un autre rédacteur Bachy sont condamnés pour avoir traité Basly de fumiste. Le journal annonce que les frais de justice seront payés par les sections syndicales de Lens et de Drocourt. Dumoulin est immédiatement poursuivi pour avoir ouvert « une souscription ayant pour objet d'indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts, prononcés par des condamnations judiciaires, en matière criminelle et correctionnelle ». Le Réveil syndical crie au scandale, il « n'a pas ouvert de souscription pour couvrir les frais du procès Bachy et Broutchoux. […] S'il a reproduit les sommes amassées, c'est à la demande des souscripteurs et des secourus. Les souscripteurs ont voulu faire connaître leur solidarité, les secourus ont voulu témoigner leur reconnaissance. » Et de montrer du doigt une justice à deux niveaux : « Quand un journal capitaliste et financier bat la grosse caisse sur un quelconque Panama pour engloutir les économies des petites bourses, on décore le directeur, mais quand un organe révolutionnaire fait acte de probité et de loyauté on poursuit le gérant. C'est la légalité. » Le journal, son gérant, voire certains de ses rédacteurs, connaissent encore d'autres condamnations qui précipitent certainement sa fin.
En juin 1903, son tirage serait de 3 000 exemplaires, mais aucune indication n'est fournie sur sa diffusion. Tout juste apprend-on que « Le Réveil syndical est vendu par tous les marchands de journaux de la région. » En décembre, la commission annonce qu'elle a passé un accord avec Devos, marchand de confection à Carvin « pour faire prospérer Le Réveil syndical ». Vendeur à domicile, celui-ci laissera 5 % du prix de sa marchandise contre la publication dans Le Réveil de ses jours de passage dans les différentes communes de l’arrondissement : « Grâce à cette combinaison Le Réveil syndical pourra pénétrer dans les villages et les corons où le manque d'argent l'empêche d'aller maintenant. » Cet accord ne sera probablement pas appliqué, Le Réveil paraît pour la dernière fois 27 décembre 1903.

(1) La rédaction est installée chez Broutchoux, 43, rue Basse à Lens du 27 avril au 12 juillet 1903) puis 55, rue Basse à Lens du 26 juillet au 27 décembre 1903. L'imprimerie est à Hénin-Liétard.