VILLE D’AVION
Ville d’Avion. Bulletin municipal
Août 1928 ! Déjà se profilent de nouvelles élections municipales pour l'an prochain. Cette échéance n'est probablement pas étrangère au lancement d'un bulletin municipal à Avion. Imprimé par Cabuil, ce mensuel de quatre pages, présentées sur trois colonnes, a pour ambition légitime d'informer la population « sur le développement de la cité, la restauration rationnelle des désastres de la guerre ». La publication entend également faire pièce aux attaques auxquelles se livre le parti communiste contre la municipalité socialiste. Même si le premier éditorial, signé la rédaction, prétend ne pas vouloir « perdre [son] encre à polémiquer avec ces gens de mauvaise foi ».
LA RIPOSTE à L'OPPOSITION COMMUNISTE
Devant le « bourrage de crânes », voire « les faux », Ville d'Avion n'entend pas laisser le champ libre à « ceux qui se prétendent les champions de la classe ouvrière » et à leur organe L'Enchaîné. Aux accusations, les répliques se font cinglantes. Le vote de centimes additionnels pour un commissariat de police à Avion ? Que la ville le veuille ou non, le crédit affecté à cette création est inscrit d'office au budget municipal. La multiplication des procès-verbaux par la gendarmerie ? 117 en une semaine ? Mensonge ! Ce chiffre est de la moitié inférieur à celui des procès-verbaux dressés en un mois pour l'ensemble du territoire de la gendarmerie ; c'est-à-dire pour Avion, Méricourt et Éleu. Le prix du banquet des fêtes de la Renaissance ? Les élus de l'opposition n'ont pas protesté lors du vote des crédits. Le renvoi de deux employés municipaux ? Ils ont demandé leur mise à la retraite.
L'état de la collection conservée aux Archives départementales ne permet pas de suivre cette polémique à l'approche des élections municipales de mai 1929. Les échanges furent certainement d'autant plus musclés qu'entre en lice Le Travailleur (Cf. notice), mensuel communiste dont le gérant est Parent, tête de liste du Bloc ouvrier et paysan aux municipales.
Ville d’Avion n’est d’ailleurs pas le bienvenu pour l'opposition qui assimile ce bulletin municipal à un organe au service du maire. Lors de la séance du conseil municipal du 14 août 1928, le conseiller communiste Fontaine le « menace des foudres de son journal [L'Enchaîné] », son collègue Herfaut « trouve abusif d'employer les gardes pour distribuer des bulletins et faire des abonnements, au lieu d'accomplir leur service. »
LA VOIX DU MAIRE
Au-delà des polémiques avec l'opposition, Ville d'Avion reste un bulletin municipal classique tel que le conçoit une municipalité. Chaque compte rendu de séance du conseil tenue sous la présidence du « citoyen Pierre Duvieuxbourg » s'y étale sur un ou deux numéros. L'état civil, les différents avis de la mairie : taxe sur les chiens, entretien des cimetières pour la Toussaint, révision de listes électorales, etc. y sont publiés. Diverses statistiques permettent de suivre l'évolution la ville. On y apprend ainsi qu'en 1929 il n'y a que 73 automobiles dans la cité, que la population comprend un peu plus de 11 000 habitants, dont la moitié sont des étrangers.
Ce bulletin apporte également tous les renseignements sur les services offerts par la ville à ses concitoyens : assistance, fonds de chômage, etc. Avec la crise qui touche le pays l'aide sociale y occupe une place de plus en plus importante. Ce qui n'empêche pas le maire de stigmatiser les abus. « Du pain a été donné par les soins du bureau de Bienfaisance à un ménage nécessiteux, raconte-t-il. Le mari était malade, les enfants avaient faim, c'était justice. Mais le temps de s'écouler, le mari reprit son travail et on éleva une nouvelle famille… un trio de chiens ! On donnait le pain aux chiens… au détriment des véritables nécessiteux. »
Ce mensuel propose de nombreux reportages sur les réalisations municipales : l'hospice de vieillards, la création d'une œuvre de la Tasse de lait des écoles publiques après un essai de distribution pendant un mois à l'école maternelle de la fosse 4, l'inauguration d'un foyer littéraire, les constructions scolaires, l'éclairage public, l'installation d'une sirène sur le faîte de la mairie, etc., mais aussi sur des événements qui rythment la vie de la commune : la fête de clôture des camps de vacances, pour laquelle Le Réveil du Nord offre des ballons, la fête nationale, la fête de l'école laïque, etc.
Il se fait le témoin des préoccupations de la ville pour le cadre de vie de ses administrés. Ville d'Avion reproduit la protestation du maire auprès du préfet contre les poussières dégagées par la cheminée du lavoir de la fosse 13 des mines de Courrières, contre l'arrêté préconisant aux véhicules lourds de quitter la route nationale entre la Coulote et Lens afin de ménager le pont d'Éleu.
Le bulletin municipal, voix du maire ? Selon la loi du genre, Ville d'Avion met en valeur l'action municipale, mais surtout le maire semble en être le véritable animateur. Les éditoriaux souvent polémiques qui ouvrent le mensuel sont, certes, signés « La rédaction », mais la signature du maire est omniprésente. Sous les arrêtés, mais aussi sous les reportages. Il semble pratiquement le seul à rédiger le mensuel.
La pénétration du bulletin municipal est cependant remarquable. Le premier numéro a probablement été distribué gratuitement. Tiré à 3 000 exemplaires, il ne comporte pas de prix de vente. Dès le second numéro, l'abonnement est fixé à 5 F par an. Bien qu'aucun exemplaire ne soit vendu au numéro, Ville d'Avion aurait déjà 1 193 abonnés dès sa troisième livraison, 1 314 au 31 décembre 1928, 2 141 au 30 septembre 1929, 2 342 un an plus tard. Ce succès permettrait de couvrir largement les frais engagés pour sa réalisation. Il est vrai que le bulletin municipal bénéficie, au grand dam de ses opposants, d'un réseau de distribution peu commun et certainement performant : tous les agents et employés communaux.
Plus aucun chiffre de diffusion ne semble communiqué après 1930, pourtant le journal continue à engranger des bénéfices. Lors de sa liquidation en mai 1935, l'association qui le gère annonce que « l'avoir restant sera affecté à une œuvre de bienfaisance. »
VICTIME DES ÉLECTIONS
Mai 1935, les Avionnais sont appelés une nouvelle fois aux urnes. En avril, le numéro 81 du bulletin municipal multiplie, à côté de l'assemblée générale des chômeurs, les renseignements pratiques sur les prochaines élections municipales. Un mois plus tard, les socialistes, devancés par les communistes, se désistent en leur faveur. Après les dernières mises au point du maire sur sa gestion, le bulletin municipal annonce sa disparition : « La société Les Amis réunis constituée en vue de la publication du bulletin municipal considère avoir terminé sa mission. […] Les abonnés peuvent obtenir le remboursement de la partie de l'abonnement correspondant aux numéros restant à livrer. »
Fausse sortie ! En septembre 1935, le bulletin municipal reparaît. Le nouveau maire, André Parent, s'explique : « La municipalité ouvrière et paysanne de notre grande cité avionnaise a estimé qu'un de ses principaux devoirs était de faire paraître son bulletin municipal. »
À nouvelle ère, nouvelles habitudes. Pour mieux affirmer ce nouveau départ, au-dessus du titre apparaît la mention « Nouvelle Série - n° 1 ». Comme lors de son lancement en août 1928, mais aussi pour toucher toute la population, ce numéro est distribué gratuitement. La mention « numéro gratuit » voisine avec le prix de l'abonnement. Quant à la gérance de la publication, elle a été confiée à Augustin Rémy, ancien collaborateur du Travailleur, depuis longtemps disparu.
La pagination a été portée à six pages pour un exercice rituel à chaque alternance politique, le point sur le « lourd héritage » que prend la nouvelle municipalité. Tableaux, commentaires éclairent la situation financière de la ville et du bureau de bienfaisance. L'ancien maire avait pris soin d'annoncer que le montant des emprunts s'élevait à 5 169 847 F. Certes ! mais la somme à rembourser à la fin des emprunts sera au total de 10 088 569, 60 F, renchérit le nouveau maire.
Rendez-vous est pris pour un prochain numéro : « Je suis sûr à l'avance du bon sens des Avionnais qui renforceront la confiance qu'ils ont mis en la municipalité ouvrière et paysanne en souscrivant de nombreux abonnements au bulletin municipal qui aura pour devise de les servir en les renseignant, sans sectarisme, tout en s'inspirant de la vérité et de la justice. » Un rendez-vous apparemment manqué ? À qui la faute ? Ville d'Avion, nouvelle série, n'a, au vu de la collection conservée aux Archives départementales du Pas-de-Calais, pas de lendemain.